Soif

Comme la framboise bien mûre espère ta bouche gourmande,
Comme la fleur épanouie du cerisier espère l’abeille ou le colibri,
Comme le rocher attend la vague,
Comme la terre craquelée se languit de la pluie,
Le monde a soif de ton chant émerveillé.

La vie chante en toi depuis l’aube des temps. L’heure est venue, pour toi, de chanter à ton tour. Alors ferme ce livre et chante ! Tu n’as pas besoin de mon enseignement. Tu n’as pas besoin de connaître les sésames révélés dans ce livre. Tu sais déjà tout, au secret de ton intuition. Ou plutôt, tu n’as rien besoin de savoir avant de partir à l’aventure, tu verras, le chant spontané sera ton meilleur enseignant.

Alors pose ce livre. Prends quelques minutes pour ne rien faire. Magnifique oisiveté. Écoute, tout chante déjà. Prends plaisir à la musique des vibrations autour de toi. Peut-être la rumeur de la rue, le calme de la forêt, le bruissement de l'océan, le brouhaha du métro. Il n'y a pas meilleur endroit que celui où tu es. Il n'y a pas meilleur moment que cet instant. Accueille aussi les sensations de ton corps. Goûte comment il se dépose sur le sol, savoure le contact de ta peau avec les vêtements, avec la matière de l’air, embrasse le va-et-vient du souffle. Alors, pris d’une fantaisie soudaine, ta voix prend son élan, tu commences à chanter. Chanter quoi ? Rien de spécial, tout ce qui vient, tout ce qui te traverse. Ne retiens rien, n’attends rien, ne cherche rien. Écoute, dans ton audace qui s’émerveille, c’est le chant spontané qui te trouve.

Alors, tu manges le vent avec les aigles, tu bondis avec les tigres, tu joues avec les tourbillons des torrents, tu défies les soleils, tu t’extasies avec le rocher, tu t’enivres avec les dauphins, tu frissonnes avec la fleur des cimes.

Alors, tu tisses avec l’écume des profondeurs, tu traces avec les éclairs, tu harmonises les souffles du dragon, tu surfes le mystère.

Tu goûtes, amoureux, la vibration de l’instant, le nectar de la source de vie.

Réalise, alors, que tu as réveillé le chanteur spontané qui dormait en toi.

Tu chantes ta part de colibri pour la joie du monde qui s’en régale.

— Christophe Boyer, extrait de Le Tao du chant spontané

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